• 1898 : Combrit, le dernier loup breton

     

    1898 : LE DERNIER LOUP BRETON

    En 1993 et 1994, les élèves de CM1 et CM2 de l'école publique du bourg ont comme instituteur, le directeur de l'école Jean Claude LE DREZEN. Ils travaillent avec lui sur le thème du loup, avec l'aide de l'historien Jakez Cornou.

    Ce travail produira un conte publié sur le site Internet de l'USEP de l'école, plus connu sous le nom de LOUSTIC. Mais trop peu de gens
    encore se connectent sur internet. Nous avons donc décidé de publier ce conte , qui est une partie de l'histoire de la commune.

    A la lecture de ces pages, personne ne sera surpris que ce travail ait obtenu un prix national de l'OCCE. Bravo les enfants !

    AVANT PROPOS

    Nous avons travaillé toute l'année sur le thème du loup, ses histoires, sa vie et ses relations difficiles avec son pire ennemi, ... L'HOMME. Ce livre va vous dévoiler la magnifique histoire d'un loup réellement recueilli par une famille habitant Roscouré à Combrit et ayant réussi à le domestiquer, en 1865.

    Un document réel de quelques lignes d'un livre a servi de point de départ à notre histoire. Il s'agit du kivre : "Les loups en Bretagne", de Jakez CORNOU, Editions SKED, Pont l'Abbé.

    D'autre part, les derniers loups officiellement tués en Bretagne l'ont été dans notre commune en 1898, à Quilien, une ferme sur la route de Quimper.

     

    1898 : LE DERNIER LOUP BRETON

    Cadastre Combrit Tableau d'assemblage 15 avril 1833 Quillien

     

    A partir de faits authentiques (nous nous sommes rendus aux archives départementales à Quimper), nous avons donc réalisé cette histoire qui fait revivre notre passé, pas si lointain, où les loups hurlaient encore dans notre commune.

    Nous avons des correspondants en Allemagne et nous avons voulu connaître les histoires de loup dans leur pays, car ils habitent en pleine Forêt Noire. Ils organisent un carnaval en février, peuplé de sorcières et d'animaux qui l'hiver effrayaient les habitants de cette grande forêt.
    Nous avons été déçus puisque le loup a disparu de ces régions depuis plus de 400 ans. Maintenant, les histoires sont racontées aux enfants avec des lutins et des farfadets ou des sorcières et de méchants gnomes qui ressemblent à ceux qui ont fait disparaître les loups et qui sont parfois aussi cruels... les hommes.

    Septembre 1993, maison de retraite de Combrit. Les élèves de l'école présentent aux personnes âgées leur travail sur le loup.

    A la fin de l'après-midi, vers 16 h, un vieillard de plus de 95 ans se leva d'un seul coup et d'une voix caverneuse se mit à nous raconter l'histoire extraordinaire qui était arrivée à son père, Jakez Le Bellec.

    "Fermez les yeux quelques minutes et vivez cette histoire, notre histoire incroyable...
    Vous êtes très savants sur les loups, grâce à vous, les enfants, j'ai appris beaucoup cette après-midi, mais je connais une bien belle histoire, aussi vraie que je suis encore dans ce monde, et je m'en vais vous la raconter."

    Nous sommes tous restés étonnés par ce vieux monsieur qui paraissait dormir depuis notre arrivée mais qui maintenant semblait revivre quelque chose d'important pour lui et toute sa famille.

    Les mots sortaient de sa bouche comme d'une fontaine qui se serait débouchée un beau jour...

    "Je n'ai pas souvent raconté ce que je vais vous dire et pour moi c'est un peu de ma vie que je vais vous dévoiler", nous dit Jos Le Bellec en se levant et sa grande taille donnait encore plus de poids à ce secret qu'il nous dévoilait.

    "Ma famille habite Roscouré depuis 1520 et vous savez que notre ferme est très isolée à l'est de Combrit, à plus de quatre kilomètres de toute habitation.
    J'avais quinze ans et c'est juste avant la grande guerre de 1914 - 1918 que Youenn mon grand père m'a raconté cette histoire, l'histoire qu'il a vécue avec son fils Jakez, mon père.

    Voilà ce que m'a raconté Jakez :

    "L'hiver 1865 avait été terrible et toute la région avait souffert d'un froid précoce et épouvantable, au point que nous ramassions les poissons morts le long des berges gelées de l'Odet. Nous n'allions pas à l'école tant le vent d'est sifflait et étouffait le pays sous un un épais manteau de gelée et de brumes.

    Le matin, toute la famille restait bien au chaud dans la pièce commune de la grande maison où Jakez et ses cinq frères et quatre soeurs vivaient.

    Seul Youenn le père se levait de bon matin pour nourrir les bêtes et il allait avec sa brouette jusqu'au village livrer le lait frais.
    Ce matin-là, le silence était différent et même le coq restait muet. Seul un petit bruit d'étincel- les qui crépitaient dans la cheminée et une bonne odeur de soupe nous avertissaient que notre mère préparait le petit déjeuner.
    Mes soeurs remuaient doucement dans leur grand lit au fond de la pièce et je les voyais à peine.
    A gauche, le grand lit clos des parents semblait bailler d'une nuit trop courte.

    Par les carreaux givrés, je distinguais le gros brouillard qui montait de la rivière avec la marée, et la fumée, qui descen- dait de la cheminée, paraissait s'ajouter à cette lumière opaque.
    Soudain au loin, on entendit le bruit caractéristique des gros sabots ferrés de mon père et la roue cerclée de la brouette sur le petit pont à une centaine de mètres de la ferme. Les bruits nous arrivaient déformés par le brouillard et nous semblaient à la fois proches et loins, forts et doux.

    A l'ordinaire, l'arrivée de mon père accélérait le lever de toute la famille qui attendait ce moment avec beaucoup d'impatience : le pain frais du matin était notre seule joie de la journée et quoique notre famille n'était pas la plus pauvre, nous mangions presque toujours les mêmes repas : soupe, pain, des oeufs et un peu de viande le dimanche.
    Les enfants appréciaient la miche chaude du matin et nous dégustions notre unique tranche comme un gâteau de choix.

    Mais aujourd'hui, mes frères et mes soeurs ne se réveillaient pas. Etant l'aîné, je me levais souvent un peu avant eux pour aider ma mère à préparer la tablée et à nourrir les poules et les lapins.

    Aujourd'hui, j'avais dix ans et je me sentais plus responsable et presque un homme.

    Les bruits de fer approchaient et j'entendais tout d'abord plaintifs et puis plus forts de petits cris comme un jeune animal qui se plaignait. Je courus à la porte de la maison et l'ouvris en grand. Je vis mon père dans sa grosse pelisse verte toute crottée de la boue du long chemin et, entre les pots de lait, dans une grosse couverture une petite tête brune avec de minuscules yeux très noirs qui me regardaient avec frayeur.

    Je crus d'abord que c'était un petit chien mais Youenn, mon père m'expliqua qu'il avait trouvé un terrier en abattant les grands chênes près de l'anse du château, la semaine passée et il avait entendu des cris plaintifs venant d'une tanière sous la souche d'un arbre abattu.

    Youenn pensait que la mère avait dû être tuée, mourir de maladie ou de froid et son pauvre rejeton demeurait seul. Au bout de huit jours et après l'accord de ma mère, mon père avait décidé de m'offrir pour mes dix ans ce jeune animal qu'il avait tout de même montré au médecin du village, Monsieur Castric.

    Celui-ci avait prévenu mon père : c'était un louveteau ; il lui avait conseillé de le tuer car ici comme ailleurs le loup avait très mauvaise réputation.

    Mais Youenn avait ses idées et aimait bien montrer sa différence: il n'appréciait pas les chasseurs et soignait souvent les animaux blessés par les braconniers. Comme les gens de la campagne, il adorait la nature et la respectait beaucoup. Il connaissait toutes les cachettes des bois alentours, les gîtes des lièvres, les traces des chevreuils...

    Les loups n'étaient pas fréquents mais nous les entendions plus que nous ne les voyions ; l'hiver, pendant les grands froids, ils venaient près des fermes pour tenter d'attraper quelques poules ou les restes de notre nourriture, derrière la maison.
    Je pense que Youenn savait où les loups se cachaient dans le bois de Roscouré, mais jamais il n'avait dévoilé ses secrets aux chasseurs qui organisaient les battues ou aux " tueurs de loups", les lieutenants de louveterie.
    De grosses primes étaient pourtant attribuées par les maires à tous ceux qui ramenaient les queues de loups morts et tout un commerce s'était organisé afin d'exterminer cette race animale maudite des hommes :

    150 francs la louve pleine,
    100 francs la louve ou le loup,
    40 francs le louveteau.

    Un de nos oncles du Haut Combrit, Lomig Cariou, était lieutenant de louveterie et il participait régulièrement à des battues à loups dans tout le département.

    Inutile de vous expliquer que Youenn et Lomig ne parlaient pas souvent de ce sujet brûlant mais ils s'entendaient bien par ailleurs.
    Youenn pensait que les loups n'étaient pas des bêtes si mons- trueuses mais qu'ils vivaient dans la nature en harmonie avec d'autres animaux et exterminaient les plus faibles et les malades. Les loups, d'après Youenn, avaient donc leur rôle dans la grande chaîne de la nature si l'homme lui laissait un peu de place pour vivre et je soupçonne même mon père d'avoir écarté quelques chasseurs de loups d'une piste, pour les égarer vers d'autres endroits où il n'y en avait jamais eu.

    Les gens du village se moquaient parfois de mon père en le surnommant parfois "loup - garou" mais tous le respectaient car ils reconnaissaient son savoir et son amour des animaux.

    Lomig pensait lui que les loups étaient une créature conçue par le diable et que moins il y aurait de loups, et plus l'homme serait heureux. Il adorait, lorsque nous allions chez lui, nous raconter des histoires terribles et sanglantes où des loups dévoraient des enfants et leur mère. J'en ai fait comme mes soeurs de terribles cauchemars mais mon père avait une sainte horreur de ces sornettes qui, disait-il, n'avaient jamais existé.

    Youenn, mon père souleva alors la pelisse de laine où se cachait le jeune animal qui essaya de se dissimuler.

    Les chiens de la ferme vinrent aux nouvelles et après avoir senti "la bête" reculèrent puis aboyèrent comme si une haine ancestrale les avaient poussés à rejeter ce qui pour nous n'était qu'un de leurs cousins.

    Je pris délicatement le jeune loup dans mes bras et en le caressant; je le calmai car il était tout grelottant de peur et de froid.
    Le loup me mordillait sans méchanceté et il me regarda très profondément ; je vis dans le fond de ses yeux comme une lueur, une étincelle de complicité entre deux futurs amis. Je l'adoptai très vite et il mangeait beaucoup les premiers jours. Mes soeurs s'en méfiaient un peu comme ma mère qui le surveillait toujours du coin de l'oeil, un peu sceptique.
    Je l'appelai Bleiz, ce qui veut dire loup en breton ; il apprit très vite à jouer avec moi et il accompagnait souvent mon père dans son tour des champs.
    Son poil était plus sombre que celui d'un chien et ses dents étaient déjà impressionnantes pour son jeune âge.
    Bleiz grandit parmi nous mais jamais les chiens de la ferme ne devinrent ses amis.
    Parfois il sortait seul et respirait l'air des bois à l'orée de la forêt et semblait chercher des yeux un de ses frères perdus mais rapidement faisait demi-tour et revenait à la ferme. Il sentait bien mieux que les chiens les odeurs et entendait les bruits les plus lointains.

    à suivre...

    in "arbannour.free;fr"

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