La pêche au bar est partiellement interdite, pour préserver la ressource. Une mesure d'urgence européenne qui perturbe les armements de l'Ouest.
Un sujet de débat pour le Salon des pêches qui se tient à Nantes.
Pourquoi ? Comment ?
Pourquoi la pêche au bar est-elle interdite aux professionnels ?
Parce que la ressource est mal en point. On entre dans la période de fraie, c'est-à-dire de reproduction, jusqu'à fin avril. L'Europe a pris cette mesure d'urgence face à deux phénomènes. Depuis les années 1990, la pêche professionnelle a quadruplé ses captures, le gisement s'étant plutôt développé jusqu'en 2010. Mais depuis 2010, il y a une accélération de la mortalité des jeunes. « On n'est pas encore rendu à un niveau exceptionnellement bas du stock, mais la vitesse de la décroissance fait peur », explique Mickaël Drogou, du département sciences et technologies halieutiques d'Ifremer. Une capture qui se développe et une ressource qui fond : les scientifiques ont tiré la sonnette d'alarme en 2012, 2013 et 2014. Des discussions ont eu lieu chaque année pour faire baisser les quotas de capture. Elles n'ont pas abouti. D'où la mesure d'urgence prise en 2015.
Pourquoi une mesure spécifique aux chalutiers pélagiques ?
À ce jour, seule la pêche au chalut pélagique est interdite, ce chalut tiré par deux bateaux en parallèle. Elle totalise 27 % des volumes et 5 000 tonnes par an, grâce à une trentaine de navires en Pays de la Loire et 50 en Bretagne qui embarquant quatre ou cinq marins et ciblent l'espèce en hiver, essentiellement en Manche et dans le golfe de Gascogne. L'économie de ces navires dépend aujourd'hui largement de cette seule espèce. « Le bar c'est 80 % de mon chiffre annuel », explique Sébastien, patron pêcheur à La Turballe (Loire-Atlantique). Les pélagiques sont les premiers touchés par une interdiction car c'est la pêche qui intervient le plus tôt dans la saison. Mais d'autres mesures d'urgence sont à l'étude par la Commission européenne pour les autres pêches professionnelles (chalut de fond, ligneur...) ou de loisir.
Pourquoi les plaisanciers sont-ils épargnés par toute interdiction ?
La pêche de loisir en mer compte 1,3 million de pratiquants en France qui sortent en moyenne six jours par an. À peine 30 % d'entre eux déclarent sortir un bar par an. « Les plaisanciers pêchaient 3 000 tonnes il y a deux ans, estime Jean Kiffer, le président de la Fédération des pêcheurs plaisanciers et sportifs. Mais depuis, la taille minimale est passée de 36 cm à 42 cm. Donc les prélèvements ont mécaniquement baissé. » Et maintenant que la pêche est interdite aux pélagiques, Jean Kiffer fait passer le message aux plaisanciers de suspendre la pêche au bar pendant la période de fraie. Pour lui, 95 % des pêcheurs de loisir ne font peser aucune menace sur la ressource. « Pour un pêcheur de loisir, le prix de revient du bar varie entre 100 et 200 € le kilo, dont 45 % de taxes. » Ça calme les ardeurs. Restent 5 % : « Des viandards sans scrupule. Aux affaires maritimes de les contrôler et de les sanctionner ! »
La mesure draconienne garantit-elle la pérennité de l'espèce ?
Il faut prendre des mesures, affirme les scientifiques d'Ifremer. « Mais ce n'est pas une science exacte. La qualité de la ressource dépend de la pression de la pêche mais aussi des conditions hydro climatiques », prévient Ronan Le Goff, d'Ifremer. Le bar se développe dans des nourriceries, notamment dans les estuaires. Un hiver très froid y génère une mortalité importante. Si la survie des juvéniles est menacée, la situation pourrait perdurer. « Les mesures font mal, mais il y a aussi de bons exemples, une efficacité certaine dans les cas de celles prises pour l'anchois ou le thon rouge », rassure Ronan Le Goff.
Salon européen des pêches : mer, eau douce, sous-marine, bateaux. Vendredi 13 et samedi 14 (10 h à 19 h) et dimanche 15 (10 h à 18 h). Parc des expositions de Nantes. Entrée 6,50 €. Réduit 4 €.
Cyrille PITOIS.
Alain Cadec : « Chacun est un peu jaloux de préserver son activité »
Alain Cadec est député européen, président de la commission de la pêche au Parlement européen.
En quoi la pêche de loisir pèse sur la préservation de la ressource ?
Elle a un impact réel sur les espèces nobles comme le bar, la daurade ou le lieu. L'enjeu est donc d'organiser, au mieux, la cohabitation entre pêche de loisir et professionnelle pour préserver la ressource, notamment le bar. Tous les utilisateurs de la mer sont condamnés à s'entendre pour aboutir à des mesures raisonnables. La pêche de loisir a déjà fait un pas en acceptant d'interdire les captures en dessous de 42 cm. C'est une démarche courageuse quand la réglementation européenne prévoit seulement une interdiction au-dessous de 36 cm.
Pourquoi a-t-on dû prendre des mesures d'urgence qui touchent surtout les pélagiques ?
L'urgence n'est jamais une solution très agréable. Mais les scientifiques ont tiré la sonnette d'alarme. Le pouvoir politique doit trouver un compromis qui permette aux pêcheurs professionnels de vivre de leur métier, à la pêche récréative de poursuivre ses activités et à la ressource d'être préservée. La mesure d'urgence va déjà permettre de laisser le bar frayer tranquille.
Pourrait-on envisager d'interdire la pêche du bar aux plaisanciers pour préserver l'activité des professionnels ?
Non, car la pêche récréative cache aussi une industrie : les bateaux, les leurres... il y a toute une activité économique à préserver. La Commission européenne pense à une mesure spécifique au loisir qui pourrait limiter à une prise par jour et par personne. Je constate qu'il y a une véritable prise de conscience collective qui se fait. Mais chacun est forcément un peu jaloux de préserver son activité.
Recueilli par Cyrille PITOIS. Ouest France