Cheminées et pollution en Île-de-France, le point
La ministre de l’Écologie Ségolène Royal a annoncé le 9 décembre son intention de revenir sur une mesure adoptée un an plus tôt : l’interdiction des cheminées à foyer ouvert dans l’agglomération parisienne à compter du 1er janvier 2015, au nom de la qualité de l’air. Retour sur une polémique.
Tout commence en janvier 2014. La Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (Driee) publie un communiqué. Il annonce que les cheminées, sous quelque forme que ce soit, seront totalement interdites dans Paris intra-muros à compter de janvier 2015. Les cheminées à foyers ouverts seront quant à elles prohibées dans 435 communes de l’aire urbaine parisienne à la même date, les inserts restant autorisés. Motif : les feux dégagent des particules fines en masse, dégradant la qualité de l’air. « Le chauffage au bois contribue à hauteur de 23 % aux émissions totales » de particules fines de moins de 10 microns en Île-de-France, soulignait la Driee en janvier 2014, chiffres d’Airparif à l’appui, « soit autant que l’échappement des véhicules routiers ».
Airparif a fourni à la Driee des études extrêmement détaillées. Le problème, que nous avions déjà soulevé il y a un an, est que la Driee, pour justifier son interdiction, a fait de ces études une présentation biaisée.
D’une part, elle a assimilé « combustion de biomasse » et chauffage au bois. En d’autres termes, les feux de jardin, les feux agricoles, les barbecues, tout a été rangé dans la catégorie « chauffage », au mépris des évidences : comment imaginer que le chauffage au bois dégage des particules fines en juillet et août en Île-de-France ?
En ce qui concerne la circulation, c’est un peu plus subtil. La Driee a parlé des « échappements ». Elle a même précisé qu’une soirée au coin du feu dégageait autant de particules fines qu’un moteur Diesel en 3 500 km. Détail qui a son importance, la Driee parlait d’un moteur parfaitement réglé tournant à régime régulier sur banc d’essai. La réalité du terrain est évidemment différente.
Par ailleurs, la Driee s’est bien gardée de préciser que ses chiffres prennent en compte l’échappement au sens strict du terme. Autrement dit, ils omettent les particules remises en suspension par le véhicule et celles émises par l’abrasion des pneus, des plaquettes de frein, du revêtement, etc.
Biais supplémentaire dans la présentation du dossier : une confusion entretenue entre les « émissions » et les «concentrations ». Ce qui compte, en termes de santé publique, est ce que nous respirons.
Or, que trouve-t-on dans l’air parisien ? En moyenne annuelle, des « concentrations » de 40 % de particules venues de loin, voire de très loin (certaines voyagent sur des centaines de kilomètres). Il y a également 40 % de particules régionales de toute provenance (trafic, carrière, chantier, feux, etc.) et 20 % de particules émises localement, dont une fraction de particules de feux de cheminées. Les « émissions » de feux de bois peuvent être significatives un soir de grand froid, mais leur « concentration » tend vers le zéro une très large partie de l’année. Pour dire qu’elles sont responsables d’autant de particules que la circulation, il faut confondre allègrement bois et biomasse, chauffage et combustion, échappement et circulation (1).
Il faut aussi passer très rapidement sur des réserves méthodologiques, qu’Airparif a l’honnêteté de rappeler dans ses études.
Que Choisir, du reste, recommande clairement de remplacer les cheminées à foyer ouvert par des inserts, des poêles à granulés ou des poêles à bois ! C’est dans l’intérêt des consommateurs. Le rendement est nettement meilleur.
La qualité de l’air est un souci tout à fait légitime, mais la tendance à la dramatisation des pouvoirs publics devient préoccupante. Fin novembre 2014, Airparif a communiqué sur un nouveau chiffre choc : selon des mesures réalisées depuis un ballon par une équipe du CNRS, l’air respiré par les Parisiens pendant un pic de pollution (le 13 décembre 2013) était aussi chargé en particules qu’une pièce de 20 m2 où 8 cigarettes auraient été fumées ! Des chercheurs ont déploré la présentation hâtive de ces résultats. Certes novateurs, ils sont basés sur un seul point de relevé, au parc André-Citroën (XVe arrondissement). La qualité de l’air y a été scrutée pendant 18 mois, mais pendant lesquels le parc a longtemps été en chantier, ce qui a probablement soulevé beaucoup de particules.
En ce qui concerne les feux de cheminées dans l’agglomération parisienne, la situation demeurait incertaine à la date du 10 décembre. Ségolène Royal a clairement manifesté son intention de revenir sur l’arrêté, sans préciser s’il serait annulé ou modifié.