• « Il faut interdir l'usage des pesticides néonicotinoïdes en Europe »

    Une image du film documentaire suisse de Markus Imhoof, "Des abeilles et des hommes" ("More than Honey").

     

    L'Union nationale de l'apiculture française (UNAF) organise du 19 au 21 juin  la cinquième édition des Apidays.  Des rendez-vous sont programmés un peu partout en France. Dégustation de pains d'épices, fabrication de savon au miel, rencontres avec des apiculteurs : tout est bon pour rendre hommage aux butineuses, mais aussi pour alerter sur leur déclin. L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) vient de publier un dossier destiné au grand public qui recense les trois grands responsables de l'effondrement des colonies de butineuses : prédateurs invasifs comme le frelon asiatique ; divers pathogènes, et l'agriculture intensive. Une analyse  partagée par l'UNAF comme en témoigne Henri Clément, son porte-parole.

    L'édition 2014 des Apidays s'inscrit dans l'année internationale de l'agriculture familiale lancée par l'ONU. Pourquoi avoir rejoint cette campagne ?

    Henri Clément : Si nous voulons mettre en avant les exploitations familiales, c'est qu'il existe plusieurs apicultures dans le monde. En Asie et en Afrique, on continue de pratiquer la cueillette du miel dans la nature. J'ai rencontré des apiculteurs au Maroc qui gagnent l'équivalent d'un salaire de chauffeur de taxi en produisant 30 à 40 kilos de miel par an. Un apiculteur français s'occupe souvent de 200 à 600 ruches, tandis qu'un Américain en gère 10 000, voire 15 000. En France, les professionnels représentent la moitié de la récolte totale, les familles avec moins de dix ruches en fournissent un quart. Que l'activité se transmette en héritage de génération en génération ou pas, chacun son histoire, mais tous peuvent partager leur passion avec le public.

    Vous avez décidé de vous rapprocher de l'Association française d'agroforesterie. Qu'attendez-vous de ce partenariat ?

    L'agriculture intensive produit soit des vastes étendues rases, soit des champs pleins de pesticides. De son côté, l'agroforesterie dit qu'il n'est pas judicieux de retourner la terre, de la laisser nue. Les sols ont au contraire besoin d'un couvert végétal tout au long de l'année, d'arbres – assez espacés pour laisser passer les moissonneuses –, de haies. Cela permet de préserver l'humus, les insectes, de réguler l'excès d'eau, d'éviter les pesticides. C'est tout bénéfice pour les insectes pollinisateurs qui ont besoin d'une alimentation de qualité tout au long de l'année. Châtaigniers, merisiers, tilleuls sont très intéressants pour nos abeilles, car leur floraisons se succèdent. Nous allons monter un programme avec les promoteurs de l'agroforesterie. Il s'appellera « Plaidoyer pour l'arbre ».

    Pourtant, il arrive aussi aux apiculteurs d'avoir à se plaindre des forêts exploitées...

    C'est vrai. Certains d'entre nous rencontrent de grosses mortalités à cause d'agrumes d'épicéas qui sont aujourd'hui traités avec des insecticides néonicotinoïdes, dans le Limousin et la région Midi-Pyrénées, entre autres.

    Trois insecticides néonicotinoïdes sont actuellement interdits dans l'Union européenne : cela ne suffit pas ?

    Non. D'abord, ils ne le sont que sur certaines cultures, ils continuent d'être épandus sur d'autres et puis il reste d'autres pesticides de cette famille. Nous avons co-organisé un colloque sur une agriculture respectueuse des pollinisateurs au Sénat, le 5 juin. Et comme vous avez pu le remarquer, un sénateur écologiste et un député PS ont déposé, le 19 juin, une proposition de résolution pour l'interdiction en Europe des néonicotinoïdes.  Le Parlement néerlandais a déjà voté une mesure similaire en septembre 2013. J'espère que ce texte, après le gouvernement français, ira jusqu'à la Commission européenne.

    Martine Valo   journaliste Planète "Le Monde"

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