Texte de la question
M. Michel Ménard interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la mise en œuvre effective de la servitude de marchepied. La conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012 témoigne de la pleine intégration de l'environnement dans la politique du Gouvernement. Un des chantiers ouverts à cette occasion est celui de la gouvernance environnementale avec la participation effective des citoyens aux décisions publiques en la matière. Cette participation est d'autant plus attendue que la notion de développement durable se démocratise dans notre société grâce aux actions de sensibilisation des publics au respect et à la protection de la nature. Cette sensibilisation a, parmi d'autres conséquences, une demande sociale accrue d'accès à la nature et plus particulièrement aux bords des rivières et plans d'eau. En réponse à cette demande légitime et grâce à l'excellent travail qu'il tient à saluer ici de son collègue Germinal Peiro, la loi sur l'eau et les milieux aquatiques votée en décembre 2006 a étendu l'usage de la servitude de marchepied aux piétons. Elle impose aux propriétaires de laisser libre le passage sur une largeur de 3,25 m le long des cours et plans d'eau domaniaux qui bordent leurs propriétés.
En Loire-Atlantique cette servitude reste à ce jour très largement inappliquée sur les rives de l'Erdre. Aussi, pour permettre à tous de cheminer librement le long des cours d'eau ainsi que le prévoit le texte de loi, le conseil général de Loire-Atlantique, propriétaire du fleuve, a pris un arrêté le 28 mars 2011 délimitant le domaine public fluvial de l'Erdre sur les trois communes concernées, Carquefou, la Chapelle-sur-Erdre et Sucé-sur-Erdre. Saisi par des propriétaires riverains, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté le 5 juillet 2012, essentiellement pour des questions formelles. Un nouvel arrêté est en préparation. Ces propriétaires riverains s'appuient sur la législation au titre des sites classés pour faire des propositions de contournement de leurs propriétés. Si cet argument peut, dans certains cas, être recevable, il a tendance à être systématiquement mobilisé pour refuser l'application de la servitude de marchepied. En effet, les riverains font une lecture extensive des sites classés et vont jusqu'à instrumentaliser cette notion afin de justifier leur refus de supprimer une clôture ou d'entretenir la végétation de leur propriété la laissant s'étendre jusqu'au bord de l'eau, empêchant, de fait, tout passage des promeneurs.
Allant dans le sens des propriétaires riverains, les services de la DREAL et de la préfecture proposent de mettre en place des gués sur plusieurs dizaines voire centaines de mètres ou de s'éloigner de la rivière. Ces expédients sont, d'une part, bien loin de résoudre les problèmes posés et, d'autre part, dénaturent le principe même de la servitude de marchepied. Lors d'une précédente interpellation sur ce même sujet en 2007, le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement de l'époque, avait reconnu que « l'appréciation des solutions envisageables [était] rendue difficile par le silence de la loi ». Aussi, en l'état actuel des choses, il demande quelles clarifications législatives, réglementaires ou conventionnelles peuvent être envisagées pour rendre effective l'ouverture de la servitude au public le long des cours d'eau domaniaux - à l'image du cheminement continu existant le long du littoral - tout en respectant le droit légitime des propriétaires.
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Texte de la réponse
OUVERTURE DE LA SERVITUDE DE MARCHEPIED AUX PIÉTONS
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Ménard, pour exposer sa question, n° 7, relative à l'ouverture de la servitude de marchepied aux piétons.
M. Michel Ménard. Ma question, monsieur le ministre chargé des transports, concerne la servitude de marchepied. Grâce à l'excellent travail de notre collègue Germinal Peiro, la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de décembre 2006 a étendu l'usage de la servitude de marchepied aux piétons. Elle impose aux propriétaires de laisser libre le passage sur une largeur de 3,25 mètres le long des cours et plans d'eau domaniaux qui bordent leurs propriétés. En Loire-Atlantique cette servitude reste à ce jour très largement inappliquée sur les rives de l'Erdre. Aussi, pour permettre à tous de cheminer librement le long des cours d'eau ainsi que le prévoit le texte de loi, le conseil général de Loire-Atlantique, propriétaire de la rivière, a pris le 28 mars 2011 un arrêté délimitant le domaine public fluvial dans les trois communes concernées, Carquefou, La Chapelle-sur-Erdre et Sucé-sur-Erdre. Saisi par des propriétaires riverains, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté le 5 juillet 2012, essentiellement pour des questions formelles. Un nouvel arrêté est en préparation. Les propriétaires riverains s'appuient sur la législation au titre des sites classés pour faire des propositions de contournement de leurs propriétés. Si cet argument peut très exceptionnellement être recevable, il a tendance à être systématiquement mobilisé pour refuser l'application de la servitude de marchepied. Allant dans leur sens, les services de la DREAL et de la préfecture proposent de créer des gués et de s'éloigner de la rivière. Or ces expédients sont bien loin de résoudre les problèmes posés et dénaturent le principe même de la servitude de marchepied. Lors d'une précédente interpellation sur ce sujet en 2007, le ministère de l'époque avait reconnu que l'appréciation des solutions envisageables était rendue difficile par le silence de la loi.
En l'état actuel des choses, quelles clarifications législatives, réglementaires ou conventionnelles peuvent être envisagées pour rendre effective l'ouverture de la servitude au public le long des cours d'eau domaniaux, à l'image du cheminement continu existant le long du littoral, tout en respectant le droit légitime des propriétaires ? Cela fait six ans que la loi est votée et nous avançons extrêmement difficilement. Je souhaite donc que le Gouvernement donne des directives précises aux services de la DREAL et de la préfecture pour que cette servitude soit effective.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, je vous prie d'excuser l'absence de Delphine Batho. Elle aurait souhaité pouvoir répondre à cette question mais elle est à Lyon au salon Pollutec, et m'a demandé de bien vouloir vous transmettre sa réponse à votre légitime question. La servitude de marchepied a été instaurée à l'origine pour permettre aux bateleurs naviguant sur un cours d'eau de manoeuvrer. Il n'existait alors aucune obligation de continuité en présence d'obstacles naturels. Cette servitude, définie à l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques, constitue une obligation, imposée aux propriétaires, de laisser libre le passage sur une largeur de 3,25 mètres. Les propriétaires ne peuvent ainsi planter ou clore qu'à cette distance. L'usage de cette servitude a été élargi aux pêcheurs par la loi sur la pêche de 1984, sur une largeur d'un mètre cinquante.
Vous avez raison de saluer le travail de Germinal Peiro, à qui l'on doit une évolution législative notable. La loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 a étendu l'usage de la servitude de marchepied aux piétons. Il s'agissait alors, dans l'esprit du législateur de répondre à une demande sociale : permettre à tous les promeneurs d'exercer leur loisir le long des cours d'eau, ou, autrement dit, de renforcer l'accès du plus grand nombre aux espaces naturels, dans le respect du droit de propriété.
Les caractéristiques de la servitude n'ont cependant pas été modifiées. Il n'existe ainsi aucune obligation pour le propriétaire de rétablir la continuité du cheminement en cas d'obstacle naturel. Ainsi, si cette disposition législative a permis au promeneur d'accéder au bord du cours d'eau, elle n'a pas permis d'organiser des promenades le long des cours d'eau. Il résulte de cet état du droit, d'une part, que l'ouverture aux piétons de la servitude de marchepied est susceptible d'avoir des impacts sur l'environnement, d'autre part, que des conflits d'usage sont susceptibles de se créer entre riverains et piétons. Pour ce qui concerne plus particulièrement votre question, la demande sociale d'accès aux rives est ancienne. Des collectifs d'associations se sont d'ailleurs créés pour revendiquer et défendre l'accès des usagers aux berges de l'Erdre. Il s'agit, dans ce territoire, de délimiter le niveau de référence de l'Erdre pour la délimitation entre domaine public et domaine privé, afin de rendre possible l'effectivité de la loi sur l'eau de 2006.
C'est l'acte réglementaire instituant cette délimitation qui a été contestée par les riverains. Une concertation est nécessaire mais il faut également envisager des clarifications législatives ou réglementaires pour éviter ce type de conflits. Un groupe de travail a été institué par les services du ministère de l'écologie, associant les différents ministères concernés : le ministère de l'écologie bien sûr, le ministère de l'intérieur, pour les questions relatives à la domanialité, et celui des sports, compétent pour les sports de nature. Ce groupe de travail abordera la difficulté dont vous vous faites l'écho, l'objectif étant de prévenir les conflits pouvant résulter de ces dispositions.
Vous nous invitiez à trouver rapidement une solution : le groupe de travail interministériel rendra ses conclusions au cours du premier trimestre 2013 et fera des propositions sur les évolutions à apporter aux textes existants pour faciliter l'accès du public aux cours d'eau, dans le respect du droit de propriété, bien sûr, mais également dans celui de l'environnement, tout en favorisant l'accès du plus grand nombre à ces lieux extrêmement attractifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Ménard, brièvement, mon cher collègue.
M. Michel Ménard. Je constate qu'il y a tout de même souvent un parti pris des services de l'État en faveur des propriétaires. Ce n'est pas acceptable. Le Conseil d'État a déjà donné raison à la mairie de La Chapelle-sur-Erdre dans un conflit avec un propriétaire, mais obtenir gain de cause prend beaucoup de temps. Je réitère donc ma demande que vous fassiez appliquer la loi en donnant des instructions précises à vos services.
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